Philippe PACHE Couleur

Du 13 septembre au 26 octobre 2002
Le site de l'artiste www.philippepache.com

La couleur


Longtemps j'ai négligé la couleur .

Je ne me souviens que rarement de la couleur des yeux , je n'oublie jamais un regard.

J'aimais les couleurs , mais je ne voyais en elles que leur réalité.

Comme tout le monde , j'aime des couleurs et d'autres moins. Si j'ai toujours aimé la couleur dans la peinture, parce que partie prenante ou première de l'expression, je trouvais que dans la photographie, elle ne me ramenait qu'à la réalité du sujet , qu'elle n'apportait aucune expression particulière . L'ajout de la couleur était pour moi "un moins" .


          

Je pensais même que si Rothko avait été photographe , il aurait travaillé en noir et blanc. De même le cinéma ne me touchait jamais autant que lorsqu'il était en noir et blanc. Quand des cinéastes, rares, affirmaient la couleur, j'y voyais plus de l'esthétisme qu'une réelle expression personnelle.

Pour toutes ces bonnes raisons , j'avais fait sans regret le deuil d'une couleur qui n'avait même pas pris naissance dans mon travail personnel.

Peut-être me méfiais-je de la couleur comme certains se méfient des belles femmes, " pensant " que rien ne se cache derrière la beauté , comme si elle n'était que surface.


        

Subrepticement, amoureusement, la couleur est entrée par quelques fenêtres dans mes images, Depuis peu la porte s'est ouverte grande et généreuse. Je découvre que les couleurs ont une vie, qu'elles me parlent , mais surtout que je les écoute. Je réalise surtout que je peux leur faire dire des choses , m'en servir pour exprimer des sentiments ou plutôt UN sentiment.

Mais qu'est-ce que les couleurs peuvent bien exprimer . Mystère . Et c'est peut-être jutement ce mystère qui me conduit aujourd'hui vers elles , car justement je ne voyais en elles qu'une réponse esthétique , et je n'aime rien tant que les questions . Déjà graphiquement, le point d'interrogation est tellement plus beau que le point d'exclamation . Le point d'interrogation me rappelle le corps d'une femme, la forme d'un violon ; le point d'exclamation le fusil .

On parle des bleus à l'âme tout en se réjouissant d'un ciel bleu. On rit jaune et quand on voit rouge, on est vert de rage. Les couleurs sont bien subjectives .


        

Un film aura été pour moi une révélation, un bonheur , In the Mood for Love du cinéaste chinois Wong Kar Wai . Enfin , au delà d'une esthétique évidente, la couleur devenait une expression en soi, et cela avec une rare subtilité. Les couleurs suggéraient des sentiments , des émotions. La couleur devenait musique. Et elle me touchait , profondément, comme le noir et blanc .

Me voici donc , à ma grande et heureuse surprise, in the mood for color .

Désormais , la couleur me grise . Je peux enfin rêver en couleurs.


Philippe Pache , Juin 2002