Article paru dans la Tribune De Genève le 14 Avril 2005

Christian Coigny à Carouge. Des images où rien ne bouge

Rencontre - Le photographe vaudois n’expose jamais. Il a fait une exception.

ÉTIENNE DUMONT

«Je ne suis pas un professionnel.» «J'ai toujours su m'en sortir.» «Je suis un photographe classique, donc bourgeois, mais je l'assume très bien.» Le discours de Christian Coigny, qui expose à la Galerie Krisal de Carouge, n'a rien de ronflant. Il faut dire qu'il émane d'un homme ayant beaucoup donné, et depuis longtemps. Le Vaudois n'a-t-il pas créé dans les ­années 70 l'image de Grieder-Bon Génie, puis celle des sièges réédités par Vitra?

«Grieder-Bon Génie reste un grand moment pour moi», explique l'homme, qu'on sent détendu même s'il est présenté par sa galeriste comme un grand sensible. «Je faisais d'autres campagnes publicitaires chaque année, mais c'était le moment que j'attendais.

Les affiches tranchaient sur ce qui se faisait alors en Suisse. Je disposais de toutes les libertés.» Petit sourire. Regard bleu perçant par des lunettes levées sur le front, comme des lucarnes. «J'étais jeune, naïf et plein d'ambitions.»

Révélation aux Etats-Unis

Avant d'en arriver là, Christian Coigny aura connu un parcours atypique, du moins pour l'époque. Antiscolaire, ce Lausannois né en 1946 ne pouvait pas entrer à l'Université. Trop d'échecs. Il tentera l'Ecole de photo de Vevey. «J'ai tenu six mois, puis je suis parti aux Etats-Unis où j'ai vécu cinq ans. J'y ai tout découvert pêle-mêle: San Francisco, ­Georgia O'Keeffe, les cheveux longs et de Kooning.» Plus la photo publicitaire, bien sûr! «J'avais alors un côté arriviste.»

A son retour en Suisse - car on revient toujours - Coigny se retrouve à ­Zurich. Il travaille pour ­Annabelle, un bimensuel féminin important. «Il fallait se renouveler tous les quinze jours.» C'est là qu'il a appris que le Bon Génie voulait une nouvelle image. «Avec ces mandats, c'était des voyages pour tout et partout: le Kenya, Malte…» Petit rire. «C'est bien fini.» Coigny aura pourtant une nouvelle heure de gloire avec Vitra, qui associait une vedette à un siège.

Rien que des superstars du spectacle, de la politique ou des Lettres! «Je pensais que la série durerait éternellement. Le thème se révélait inépuisable. Puis d'un coup, après 135 séances, tout s'est arrêté. Cela m'a fait mal. J'ai mis longtemps à faire le deuil.»

Le goût de l'artisanat

Le photographe a connu depuis des hauts et des bas. «Heureusement, je travaille presque seul. J'engage juste un assistant, au coup par coup. Mes agents me trouvent du travail. Je ne veux plus faire du porte à porte, comme à mes débuts.»

Coigny garde heureusement sa force de persuasion. «J'aime le noir et blanc. Ce qui est graphique. Mon côté protestant sans doute. J'adore construire un décor. Scier, coller, même si cela devient un peu fatigant pour moi. Quand on me commande de la couleur et du mouvement, je biaise. Je présente autre chose et je m'explique. Je l'emporte assez souvent.»

Pour lui, l'âge d'or est terminé. «J'ai eu la chance d'arriver assez tôt. Je n'aime pas l'ordinateur, que je maîtrise mal. Le numérique ne m'attire pas. Je suis heureux de pouvoir me maintenir un certain temps, même si le statut d'indépendant vous oblige à aller jusqu'à la mort, ou jusqu'à ce que la main tremble trop.»

Coigny était connu pour publier des livres, mais ne pas exposer. «Dans une vie, on ne fait pas tant d'images sublimes que ça! Il m'arrive d'en produire une qui me satisfait. Pendant quelques jours, elle correspond à ce que je suis et à ce que je pense être mon âme. Je jette le reste. Et puis je passe à autre chose.»

En 2004, il y a cependant eu un trou. Pas de travail. «J'ai été content d'accepter la proposition de Krisal, qui voulait me vendre à Paris-Photo.» Tout s'est bien passé. Les propositions sont revenues. «Mais je suis heureux de montrer à Carouge certains clichés qui me tiennent à cœur.»

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Christian Coigny, Galerie Krisal, Carouge, 25, rue du Pont-Neuf, tél. 022 343 03 05, jusqu'au 7 mai. Ma-Ve 14 h-18 h 30, Sa 14 h-17 h. www.krisal.com.

 

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